Bienvenue à New Heaven, la ville qui regroupe le plus grand nombre de Supers. Qui sont les supers ? Mais, enfin, tout le monde sait qu'il s'agit de ces êtres aux capacités extraordinaires apparus soudainement en 2019. La cause de leur apparition ? Personne ne le sait, des gens tout à fait normaux comme moi et vous se sont vus octroyer du jour au lendemain des pouvoirs, certains très puissants et d'autres un peu moins. Cela fait maintenant 30 ans que les pouvoirs sont apparus certains ont décidé de mettre leur don au service du bien, d'autres au service du crime, mais a majorité essaye de garder leur vie normale sans trop de boulversement.
Yasmina relève ses cheveux dans un petit chignon débraillé, avant d'enfiler son short de sport et sa veste à capuche assortie. Elle noue le petit nœud, remonte la fermeture éclair, glisse ses pieds dans ses baskets aux lacets déjà noués, et se rue hors de sa chambre. Elle commence déjà à courir dans les escaliers, puis hors de sa résidence, puis hors du campus. Elle court comme si elle fuyait une horde de mort-vivants : et pour cause, la musique qui résonne dans ses écouteurs est plus que motivante.
Elle sait bien que ces rappeurs des années 2000 ne pensaient pas à elle en écrivant leurs textes. Pourquoi l'auraient-ils fait ? Déjà à l'époque, elle aurait fait partie de ces gens dont la vie est trop facile et trop monotone pour faire un bon couplet. Peut-être qu'ils se retourneraient dans leurs tombes, s'ils savaient à quel point leurs textes lui parlaient. Aurait-elle pu voir leurs vies si elle avait eu la chance de les voir en concert ?
Elle court comme si elle fuyait la mort. Lorsqu'elle court, les visions se calment, mais pas toujours. Elle croise trop de visages. Elle voit des gens la voir. Ils regardent son corps, ils jugent sa démarche, sa respiration. Elle doit courir parfaitement. Elle doit satisfaire les regards. Pas le droit de trébucher, pas le droit de ralentir. Tout le monde la voit, et elle le sait mieux que personne. Tout le monde la juge. Elle doit courir plus vite.
Elle finit par quitter le centre-ville pour commencer à errer dans le quartier ouest. Il y a moins de gens dans la rue. Moins d'yeux. Moins de jugement. Elle voit une main qui se penche sur un corps ouvert. Elle aurait croisé un chirurgien ? Elle voit des mains d'hommes qui font la vaisselle. Est-il vraiment déjà si tard ? Elle vérifie son podomètre, qui lui sert aussi de montre. Elle a atteint son objectif du jour, elle peut rentrer maintenant.
Mais elle avance dans le mauvais sens.
Elle se voit marcher dans la rue. Qui l'observe ? Le regard finit par fuir son corps pour suivre les courbes d'une autre femme. De tous les yeux qu'elle vole quotidiennement, ceux des hommes libidineux sont les pires. Elle a mal à la tête. Elle vient de se cogner contre un poteau. Normal : elle ne pouvait pas regarder devant elle. A force de marcher sans voir son chemin, elle s'est enfoncée dans le pire quartier de la ville. Tant pis. Qu'est-ce que ça lui fait ? Elle collectionnera juste quelques yeux de plus. Qu'est-ce qu'elle pourrait voir de pire à travers eux, de toute façon ?
Elle tourne à droite, à gauche, machinalement. Rentre dans un bâtiment en friche. Elle transpire. Normalement, elle devrait être de retour au campus, en train de profiter d'une douche bien chaude. A la place, elle se retrouve dans un bâtiment étrangement familier. Elle l'a déjà vu. Dans les yeux de qui ?
Elle monte les escaliers avec précaution. Le bois est moisi, et une des marches se casse sous son poids. Manquant de s'écrouler, elle a le réflexe de se pencher en avant et de ramper jusqu'à l'étage du dessus. Elle reconnaît ce couloir. Elle reconnaît cette porte. Qu'est-ce qu'elle a vu, ici ?
Elle s'agenouille près d'un matelas usé, noirci par la poussière et la pourriture, probablement rempli d'acariens et d'autres choses que son corps fragile n'a jamais eu la malchance de connaître. Les souvenirs lui reviennent. C'est une femme qu'elle a vu ici. Elle était à cheval sur un homme, sur ce matelas, qui a fini par la repousser. Il était en colère. Dommage qu'elle ne sache pas lire sur les lèvres, elle aurait pu savoir pourquoi. Qu'est-ce qu'elle raconte ? En quoi ça la regarde ? Pourquoi est-ce qu'elle voudrait savoir pourquoi elle était là ? Ce qui lui est arrivé ? Et pourtant, elle suit ses pas. Quand l'homme est parti, elle est passée par cette porte. Elle courrait, encore en sous-vêtements. Puis elle est allée dans la pièce d'à côté... Il y a une flaque de sang sous la porte.
Choquée, elle s'approche. Non, elle recule. Non, elle s'approche. Est-ce que c'est pour ça qu'elle n'a jamais revu à travers ses yeux ? Non, elle recule. Ce ne sont pas ses oignons. Est-ce qu'elle aurait pu la sauver ? Comment aurait-elle pu la sauver ? Tout ce qu'elle a fait, c'est voir ce qu'elle a vu. Non, elle s'approche. Elle doit savoir.
Soudain, un bruit la fait sursauter. Un casier vient de s'écrouler devant la porte, comme par magie. Elle ne connaît qu'une seule personne qui sache faire ça. Elle cherche du regard, jusqu'à retrouver sa silhouette si rassurante. Violet. Elle se jette dans ses bras, et toutes ses émotions explosent d'un coup. Les larmes qui coulent, le corps qui tremble, les mots qui s'échappent.
« Violet... je crois qu'elle est morte... Oh, Violet... je suis tellement contente que tu sois là... »
Elle réfugie sa tête dans son épaule et la serre contre elle, comme pour mieux se rassurer. Oui, c'est bien Violet. C'est bien elle. Elle a bien ses yeux. Elle peut se laisser aller, maintenant.
La routine du boulot. Tatouer le corps des autres pour une poignet de billet. C'était un peu la partie légale de sa double vie, au final. Ce qui lui permet de vivre, d'elle-même. Son petit pactole suffisait seulement à payer le loyer pour pas finir dans les rues de ce coin dont la pauvreté. Cet endroit que les hautes sphères de ce monde ignorent. Un lieu qui sert de débauche, de trafic d'armes et de drogues. En clair, ce n'est pas vraiment le paradis touristique d'une ville. Ici, c'est plutôt semblable aux bidonvilles. La misère du bas peuple. Un enfer sur Terre.
Elle le sait, cette petite tête brûlée. Et elle aime y vivre. C'est sa misère. Son havre de paix. Elle y a grandit et elle compte y vivre jusqu'à sa mort. Elle est bien trop attachée pour quitter ce coin de pauvre. C'est son coin de pauvre, à elle. Elle marche dans les rues de cette dernière, un sac en plastique avec emplettes à l'intérieur. Une bouteille et pot de nouille instantanée. Son repas du soir. De tout les jours mais surtout des fins de mois. Devrait-elle dépouiller le porte-monnaie d'un bourge pour pouvoir survivre un jour de plus. Sans doute, oui. Elle et les siens seront sûrement ravis d'avoir le plaisir de goûter une fois de plus à la richesse. Ne serait-ce que pour avoir un lendemain.
Puis, son regard se pose sur une silhouette qu'elle connaît, qu'elle reconnaît parmi les malfrats de cette zone. Qu'est-ce que que sa rousse adorée faisait ici. Elle a l'air perdue. Elle entre dans un bâtiment délabrée qui sert de dépotoir et accessoirement de maison close. La ténébreuse a envie de crier, de lui dire de ne pas rentrer. Mais, est-ce que ça vaut le coup d'attirer le regard sur elle. Elle fait une proie facile avec son frêle corps, avec cette belle peau marocaine.
Naturellement, la jeune fille au nom de fleur l'a suivie. Le casier est tombé. Celle qu'elle aime sans trouver la force de lui avouer se jette dans ses bras, en pleure. Cela l'attriste de voir sa perle verser les larmes. Cela l'attriste de savoir qu'elle regrette le sort d'une femme qu'elle ne connaît pas. Le sac plastique tombe, les bras de la pauvre s'enroule autour de la rousse. Le contact de ses mains sert avant tout à rassurer la métisse, qui lui sert le cœur, ce qui renforce encore plus son caractère possessif.
« Yazou, ma douce... Je suis là maintenant, tout va bien... »
Comme une mère envers son fils, elle câline la magnifique chevelure de Yasmina. Lui offrant des mots doux pour encore plus la rassurer et lui offrir son soutien. Elle le mérite, parce qu'elle est profondément terrifiée. Et ce n'est pas le moment de lui faire la morale, parce qu'elle n'a rien à faire dans un coin aussi malfamé que celui-ci. De toute façon, la brune n'avait pas la motivation nécessaire pour hausser la voix. Non. Sa marocaine adorée mérite la voix la plus tendre et mielleuse.
« Je suis là, mon petit caramel. Tu... tu veux en parler ? »
Elle renifle, elle sanglote, et se blottit contre sa meilleure amie. Il n'y a qu'elle qui peut la comprendre. Il n'y a qu'elle qui sache exactement quoi faire, et quoi dire. Sa main dans ses cheveux, le ton de sa voix : il n'y a qu'elle qui sache comment lui parler. Sans filtre. Sans mensonges. Sans se forcer. Yasmina n'a plus la force pour tout ça. Elle ne peut plus se cacher, et quitte à se dévoiler, c'est avec Violet qu'elle préfère se décharger de son lourd, très lourd secret.
Elle quitte le confort de ses bras et se frotte les yeux. Elle préfère la regarder en face pour ce qu'elle est sur le point de lui dire, même si c'est compliqué. Quand elle est avec elle, leurs vues ne cessent de s'échanger. Elle voit ses propres yeux rougis et gonflés, puis le regard désolé de sa meilleure amie. Mais quelque part, ça la rassure. Au moins, pendant quelques instants, elle ne voit plus à travers les yeux d'étrangers.
« Vi', je... non, tu vas me détester... »
Elle cache son visage avec ses mains, et essaie de prendre une grande inspiration. Son souffle est saccadé. Cette flaque de sang lui reste en tête. Si elle ne peut plus prendre ses yeux, c'est qu'elle morte. Est-ce qu'elle aurait dû la sauver ? Comment aurait-elle pu ? Comment est-elle morte ? Non, concentre-toi, Yasmina. Concentre-toi sur Violet, et la conversation que tu lui dois.
« C'est... j'ai... »
Elle pousse un soupir, ferme les yeux pendant quelques secondes, et reprend son souffle.
« En fait ça fait deux mois que j'ai un pouvoir que je ne contrôle absolument pas et je sais pas quoi faire je crois que quelqu'un est mort dans la pièce d'à côté mais je n'ai pas pu l'aider et c'est terrible parce que j'ai vu à travers ses yeux et je- !!!! »
Elle serre les dents pour essayer de retenir ses larmes qui reviennent. Non seulement son charabia était beaucoup trop rapide pour être compréhensible, mais en plus, elle n'arrivait pas à s'empêcher de tourner autour du pot. Elle finit par se laisser tomber à genoux, la tête baissée, comme si elle implorait déjà sa pitié.
« Je... j'ai pas osé t'en parler... c'est pas un pouvoir, c'est une punition. Je sais même pas pourquoi j'ai ça... Mes parents n'en ont pas, mon frère non plus... Je sais pas d'où ça sort... Pourquoi moi... Qu'est-ce que je vais faire avec ça... »
Elle se frappe le front. Quelle abrutie. Déjà en train de se plaindre, alors qu'elle n'avait rien su expliquer. Elle qui voulait absolument éviter de tourner autour du pot... Elle relève la tête vers Violet, et laisse ses larmes couler silencieusement le long de ses joues, jusqu'à son menton.
« Vi'... je peux voir à travers les yeux des gens... les tiens, ceux de mes parents... ceux des gens que je croise dans la rue... et j-je... je crois que j'ai croisé... »
Elle lève un doigt tremblant vers la porte coincée par le casier, avant de fondre en sanglots à nouveau.
« PARDON ! Je sais que j'aurais dû t'en parler avant, mais je... J'ai pas... Pardon, Violet... »
Le nez qui coule, le visage enfoui dans ses mains, le corps agité par ses bruyants sanglots, elle se laisse complètement aller. Ca y est, c'est fait. Le secret est dévoilé.
Dernière édition par Yasmina C. Diaz le Jeu 28 Mar - 0:07, édité 1 fois
Elle l'observe parler de son problème, de son plus grand secret. Son pouvoir, celui qui est de voir à travers les yeux des autres. Honnêtement, c'est un pouvoir fortement utile s'il est bien utilisé. Mais là, il s'agit de sa meilleure amie. Qui plus est, cela fait deux mois que cette souffrance dure. Le poids de ses épaules tombent lorsque la rousse se confie à la brune. Elle ne peut même pas imaginer l'étendu des erreurs qu'elle a vu, dans les yeux d'un autre. Et pour le coup, c'est la mort d'une femme qui lui cause autant de douleur. Elle pleure, tellement que Violet en a mal au cœur. Elle s'accroupit et pose une main sur son épaule.
« Ça va aller, ma douce. On se connait depuis l'enfance, pas vrai ? Tu sais que tu peux me faire confiance, pour la vie. »
Elle glisse une main sur sa joue et dépose un doux baiser sur son front. Puis, elle se met à chantonner un petit air qui lui est fort familier. Une musique que la métisse connaît. Une chanson des années 2000 qu'elle a fait apprendre à la brune aux allures de gothique. Cette chansonnette fonctionne comme un berceuse pour sa tendre moitié. C'est d'ailleurs pour cela qu'elle l'a apprit avec autant de détermination. Elle ne regrette pas d'utiliser un tel atout pour calmer les doutes et les peurs de sa marocaine adorée. Une arme fatale.
Certes, elle ne connaît pas encore entièrement les paroles, mais l'effort est là. Elle essuie les larmes de son petit caramel avec son pouce. La rouquine reprend son calme et cela la rassure. Elle va pouvoir se concentrer sur sa voix et rien d'autre. La gothique prend les joues de sa compagne et fait en sorte qu'elle ne regarde qu'elle. Son attention est pour elle, rien que pour Violet.
« Ne crois pas que je vais laisser tomber ma plus chère amie parce qu'elle ne m'avoue pas tous ces secrets. On a tous des secrets. Je suis la mieux placée pour la savoir et tu le sais. Tu es trop précieuse pour que je te laisse tomber. Tu es mon monde, ma raison de vivre. »
Vient-elle de lui avouer ses sentiments, dans le feu de l'action ? Oui. Elle en prend conscience et rougit comme une adolescente. Elle est pathétique. Elle s'en veut de montrer une facette qu'elle cache. Yasmina ne mérite pas de voir un visage pareil. Elle ne mérite pas de voir un visage aussi enfantin. La fière Hulps ne montre pas d'émotion. Mais ce n'est pas n'importe qui en face. C'est la prunelle de ses yeux. Et c'est bien la seule qui verra cette facette secrète de sa personnalité.
Elle ose à peine lever les yeux vers elle lorsque Violet s'accroupit à ses côtés pour la rassurer. Elle a trop honte. Combien de fois s'était-elle mordu les lèvres pour ne pas craquer et ne pas lui en parler ? Yasmina n'est pas stupide, elle a conscience du potentiel de son pouvoir, et du poids du secret qu'elle vient de partager. Elle peut lui faire confiance, c'est sa meilleure amie. Alors pourquoi elle ne lui en a pas parlé plus tôt ? C'est Vi', sa Vivi, sa Violet à elle, elle peut tout lui dire. Alors pourquoi pas ça ?
Elle peine à se l'avouer, mais elle avait peur de faire face à un rejet. Cette réaction aurait été tout à fait naturelle : en effet, ce n'est pas tant le fait qu'elle possède un pouvoir qui la gêne, mais la nature du pouvoir en question. Qui pourrait lui faire confiance, en sachant qu'elle peut tout voir à travers ses yeux à n'importe quel moment de la journée ou de la nuit ?
Alors que son cerveau bouillonne encore, torturé par mille questions sans réponse, elle sent pourtant son corps s'apaiser peu à peu, au fur et à mesure que la mélodie familière que son amie fredonne résonne dans sa petite tête fatiguée. La tension dans ses muscles se relâche peu à peu, et ses angoisses se dissipent alors qu'elle laisse Violet essuyer ses larmes.
Elle saisit son visage. Elle se regarde à travers ses yeux, la regarde à travers les siens. Ce moment est à elles, rien qu'à elles. Ses mots lui réchauffent tellement le cœur qu'elle a à peine conscience de ce qu'elle vient de lui dire. Son amie rougit. Son monde... Sa raison de vivre ? Yasmina essuie ses yeux encore humides – elle ne sait pas trop quoi dire. Ce serait un mensonge de faire comme si elle ne s'était jamais imaginée au bras de la belle gothique : mais elle avait toujours vu ça comme un rêve lointain, irréalisable, impossible. Est-ce qu'elle avait vraiment compris ce qu'elle voulait dire ? Peut-être qu'elle n'avait entendu que ce qu'elle voulait entendre. Peut-être qu'ironiquement, elle n'avait vu que ce qu'elle voulait voir. Elle se mordit la lèvre, avant d'oser prendre la parole.
« Je... suis contente que tu sois la première à qui je l'ai dit. »
Mais non, pas ça, andouille ! Ne joue pas l'idiote devant la seule personne qui te comprend, ne fais pas la naïve devant la seule personne avec qui tu te sens réellement toi ! Tu ne lui as pas déjà assez menti comme ça ? Une vision particulièrement intense l'envahit. Des mains autour d'un cou. Quelqu'un, quelque part, avec des mains particulièrement musclées, est en train de tuer. Qui ? Quand l'a-t-elle croisé ? Pourquoi est-elle celle qui doit voir ces choses ? Elle se masse les tempes pour essayer de retrouver ses yeux. Parfois, ça marche. Rester calme semble lui permettre d'éviter les visions intempestives. Cette fois, heureusement, ça a marché. Elle ne veut plus voir de choses aussi laides. C'est beaucoup trop pour elle.
Elle lève les yeux vers Violet. Elle ne comprend toujours pas pourquoi, mais chaque fois que leurs yeux se croisent, elle est incapable de s'empêcher de se voir à travers ses yeux. Et quand c'est Vi', ça ne la dérange pas. Jamais. Elle ne sent ni mise à nue, ni jugée, alors qu'elle connaît maintenant son pire secret. Yasmina tente à nouveau de bafouiller quelque chose, mais elle s'embrouille et finit par se frapper le front. Dis-le, pauvre idiote !
« Toi aussi, Violet. »
Ah bah. Oui. Merci d'avoir fait autant d'efforts pour ça. Et en plus, elle soupire, comme si c'était suffisant pour la soulager. Elle se déteste. Pourquoi est-ce que c'est aussi dur de trouver les bons mots ? Elle n'a pourtant jamais besoin de réfléchir à ça avec elle, d'habitude. Mais c'est plus fort qu'elle, elle ne veut pas faire d'erreur, dire quelque chose qu'elle regrettera, ou rater l'occasion de lui dire ce qu'elle ressent, et... c'est trop compliqué ! Elle détourne les yeux, embarrassée, et regarde le sol sale du bâtiment.
« J-je veux dire... tu es la personne la plus importante de ma vie. Sans toi, tout ce que j'ai, tout ce que je fais... ça n'aurait plus de sens. Je crois que c'est pour ça que j'avais peur de t'en parler... Je voulais pas te perdre, à cause de... »
Avec son index et son majeur, elle désigne ses yeux, puis ceux de Violet, lui avouant silencieusement qu'elle a déjà assisté à plusieurs de ses... comment appeler ça... méfaits ? Elle finit par se retourner vers elle, et la saisir par les épaules.
« Mais peu importe ce que j'ai vu, tu restes la même à mes yeux, tu sais !! »
On repassera pour la pertinence de son choix de mots.
« Je veux pas que tu me fuies ! Sans toi, je pourrais pas... J'aurais pas la force. Et je dis pas ça dans le sens où tu dois me traîner sur ton dos comme un boulet, c'est juste... Je... »
Vas-y Yaz ! Fonce ! Tu peux le faire ! DIS-LE !
« Je ne te vois pas que comme une simple amie. Tu es, vraiment, et je dis ça du fond de mon cœur, tu es tout pour moi. Et j'irai jusqu'au bout du monde pour avoir la chance d'être à tes côtés, je ferai tout ce que je devrai faire pour avoir la chance de continuer à t'aimer. »
Elle se voit à travers ses yeux. Elle est rouge comme une tomate. Est-ce qu'elle a vraiment dit ça ?
« Je veux dire, euh, enfin, t'aimer, enfin, tu sais ce que je veux dire ! Ah ! Ahahah ! Il fait chaud ici, non ? »
Elle ouvre sa veste a capuche et s'évente, pour essayer de faire passer son teint écarlate pour un petit coup de chaud. Personne n'y croit, Yasmina. Même toi tu n'y crois pas.
Elle aussi, vient d'avouer ses sentiments. Et cela fait sourire la gothique, lorsqu'elle change la conversation en prétextant qu'il fait chaud. Non, ma mignonne, il ne fait pas chaud. Violet passe l'une de ses mains sur la nuque de la rouquine, afin d'avoir toute son attention. Elle capture ses yeux, dévore le corps de sa métisse du regard, avant de poser ses lèvres sur celle de sa compagne. Elle l'aime. Elles s'aiment. Quoi de plus normal que d'avoir ce genre de contact charnel entre les deux.
Impossible de se rafraîchir. Au contraire, la température monte de plus en plus. Sa main sur sa nuque, les yeux dans les yeux. Yasmina ne voit plus rien d'autre lorsque leurs lèvres se rencontrent. Le temps s'arrête, et elle a l'impression de brûler de l'intérieur. Comme si quelque chose dans son ventre prenait feu, et embrasait chacun de ses membres jusqu'à leurs extrémités. Mais dans le bon sens ?
Pourtant, elle avait déjà embrassé d'autres gens dans sa vie, mais ça ne lui avait jamais fait ça. Bon, encore, pour son premier baiser, c'était compréhensible : c'était avec un garçon qu'elle n'aimait pas tant que ça, et qu'elle aimait encore moins depuis qu'il avait explosé de rage quand elle lui avait fait son coming-out. Et puis elle avait eu sa première copine, qui lui avait fait beaucoup d'effet aussi ! Elle ne pensait jamais ressentir autant de choses avec quelqu'un d'autre, encore moins avec celle qu'elle avait toujours vu comme sa meilleure amie... qui venait de lui avouer qu'elle l'avait toujours vu comme plus que cela.
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