Quand elle errait dans les songes, elle ne faisait que passer. Jamais elle ne s'attardait plus que de raisons, jamais elle ne trouvait ce qui lui donnait envie de rester près des intimités de victimes potentielles. Mais parfois, quelque chose l'attirait et lui donnait envie de rester. Parfois il s'agissait d'une image, d'autres une sensation dans l'air, de temps en  temps elle faisait simplement ça par hasard. Mais cette fois-ci, il s'agissait d'un son. Un pleur, celui d'une enfant semblant avoir son âme déchirée, une sorte de chant morbide à ses oreilles. Fascinant, enchantant, pénétrant. Elle fut attirée comme une guêpe est attirée par la charogne. Elle était dans un cauchemar, un cauchemar déjà intense et si réel. Une sorte d'ancien laboratoire, une odeur de sang et de produits désinfectant envahissant une pièce sombre, une table d'opération où était une enfant à la peau bleu trônant au milieu de la pièce.

Elle observa l'enfant, nue et attachée grâce à des sangles. Elle se plaça au-dessus d'elle, ses longs cheveux bruns cachant la lumière des spots. Elle prenait lentement une apparence étrange, pas vraiment monstrueuse mais pas humaine. Une figure sans visage, une figure sans vie. Une figure parmi tant d'autres et dont la peau craquelait doucement, une tenue d'infirmière délavée faisant office de vêtements. Quand elle marchait, un bruit de chair arrachée résonnait dans la pièce. Elle plaça deux de ses doigts sur le front de l'enfant, les plantant et fouillant profondément dans son crâne. Cherchant quelque chose, une aberration à ressortir du crâne de cette. Elle devait souffrir. Mais elle se contenta de ricaner en continuant son oeuvre. "Shhh... Le docteur va arriver. Et tout semblera bien doux."

Elle sortit lentement quelque chose du crâne, une figure à l'aspect glacial et dégageant une sorte de malaisance. Elle observa la figure alors qu'elle était en train de l'extraire du subconscient cauchemardesque de sa victime du soir. Ce n'était pas une enfant, elle le sentait, mais pour ce soir elle retournerait dans une horrible nuit de milles sévices, des mains de cette figure hantant ces lieux oniriques. Une femme indienne, aux cheveux grisonnant et commençant à montrer bien des rides. Une figure qu'elle changeait doucement d'apparence, lui donnant celle d'une horreur indicible. Des bras difformes, nombreux et tenant chacun un instrument de chirurgie, un visage figé dans celui de la mort, et ces cheveux devenant des algues tombant en étant trempé de sang.  Elle lâcha sa création de morbidité, sa parodie du chirurgien compétent prenant vie dans cette scène macabre.

Cette parodie qui passait un doigt aiguisé dans les cheveux blanc de cette enfant, marmonnant d'une voix pseudo-maternelle. "Asma, mon enfant... Ne crains rien. C'est juste moi, le docteur Dharzi. Vatsala Dharzi. Tu sais que je vais bien m'occuper de toi, n'est-ce pas ? Tu te souviens n'est-ce pas ?" L'enfant ne pouvait que regarder ces grands yeux noirs semblant prêts à absorber son âme.

Tu étais rentrée tard, comme d'habitude, mais cette fois tu avais dû rester plus longtemps. Tu avais été retenu par un sujet important qui avait requis ton attention immédiate. Tu étais rentrée tellement tard que tu n'avais même pas pu manger avec ta tendre moitié et ton fils, alors que tu leur avais promis que tu serais là. Tu leur promets tout le temps. Ta parole a-t-elle finalement une réelle valeur ? Tu regardes les restes qu'ils t'ont laissé dans le frigo, tu espères qu'ils n'ont pas mangé froid à force de t'attendre. Puis, tu fais réchauffer ta nourriture, c'est Diya qui l'a préparé, tu as beau être sa mère ironiquement c'est lui qui sait le mieux cuisiner, tu regrettes de ne pas avoir pu être là pour le complimenter. Tu lui laisseras un petit mot sur la table pour lui dire, en espérant qu'il le verra. Tu déposes ton assiettes dans le lave vaisselle, puis tu vas dans ta chambre. Ta compagne dort déjà, tu te déshabilles dans le noir pour éviter de la réveiller, une fois dans le lit tu essayes d'éviter de repenser à ta journée, a ta promesse non tenue, à la énième déception que tu as dû causer à ton fils. Tu essayes de penser à quelque chose qui t'apporte un peu de bonheur, qui te calmes. Tu sais que si tu ne le fais pas tu auras plus de chance de subir une nouvelle terreur nocturne, tu en faisais moins avant d'être à la tête de la Ligue de Thémis. Tu prenais des médicaments pour essayer de les en empêcher, ça marchait pas toujours mais parfois oui, ou peut-être était-ce juste un effet placebo ? Tu voyais aussi un psychologue pour ça, bien sûr tu en connaissais la cause, ton enfance volée par cette entreprise, mais tu ignorais comment régler le problème. Ce soir, tu n'avais pas pris tes médicaments, tu savais qu'il fallait un certain temps pour qu'ils fassent effet et que vu l'heure tardive à laquelle tu étais rentrée cela ne servirait à rien. Te voilà alors à essayer de t'endormir sans penser à tout ça, mais plus tu veux éviter ses pensées plus elles reviennent. Finalement tes yeux se ferment, quand tu les rouvres tu n'es plus dans ta chambre.

Il fait noir autour de toi, la seule lumière vient de spot au-dessus de toi. Tu commences à paniquer, tu essayes de bouger mais tu remarques que tu es attachée. Tu ne peux pas t'enfuir de cette table froide sur lequel est posé ton corps nu, tu remarques aussi que ce dernier semble plus petit, moins développé. Te revoilà trente ans en arrière, dans cet infâme laboratoire. Comme tout enfant le ferait tu commences à pleurer, tu essayes de te défaire de ses liens qui te retiennent au point qu'ils finissent par ronger un peu ta peau. Tes pleures s'intensifient, tu sais que tu ne peux appeler personne à l'aide, personne ne viendra te sauver. Une ombre apparue dans ton champ de vision, un être qu'aucun qualifierait de démons avec sa figure sans visage, à la peau craquelante et avec une tenue d'infirmière. Les pleurs s'étaient arrêtés, tu étais bien trop effrayée pour laisser sortir autre chose que quelques glapissements, tu redoubla d'effort pour t'enfuir, en vain. Elle posa deux doigts sur ton front avant de les enfoncer, tu hurla de douleur, les larmes se remettant à couler, tes cris suppliaient d'arrêter. Une autre forme apparue alors, celle d'une femme que tu connaissais. Une de ses docteurs qui avaient participé à ses horribles expériences que tu avais subit. Au début elle s'était présentée à toi comme une mère de rechange, te rassurant, te promettant que ça irait. Pourtant de tous c'était elle qui t'avait fait le plus d'atrocité, la majorité de tes cicatrices c'est à elle que tu les devais. Elle semblait trouver plus de plaisirs à découper les supers qu'à essayer de comprendre leur pouvoir et leurs origines et comment les utiliser. Très vite, la femme commença a changer de forme elle aussi, prenant l'aspect d'un montre à plusieurs outils chirurgicales. Ton cœur d'enfant s'emballa quand son visage s'approcha du tien pour te parler, son horrible doigt de scalpel caressant tes cheveux tandis que des gouttes de sang tombées sur ton visage de ce qui servait de cheveux à la créature.

- « Asma, mon enfant... Ne crains rien. C'est juste moi, le docteur Dharzi. Vatsala Dharzi. Tu sais que je vais bien m'occuper de toi, n'est-ce pas ? Tu te souviens n'est-ce pas ?  »

Tu savais qu'elle mentait, ce n'était pas pour rien que tu devenais très turbulente quand c'est elle qui venait te chercher dans ta cellule, et ce malgré les mots doux qu'elle pouvait te dire. Quelqu'un qui s'inquiétait vraiment pour toi ne te droguerait pas pour que tu sois plus docile et n'utilise pas ton pouvoir. Elle ne s'amuserait pas à marquer ta peau à vie avec ses outils. Tu balbutie entre deux sanglots.

«  Non. C'est faux vous mentez ! »

Tu te remis à débattre de plus belle pour essayer de t'enfuir.